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  • J. Clavel

Paul KLEE et sa vision de l'Art Moderne


Le job du peintre, c'est de peindre.

Pourtant quelques peintres se sont aussi exprimés sur l'art et la peinture. Certains de ces écrits, comme ceux de KANDINSKI par exemple, ont marqués et influencés leur époque, et restent des textes de référence. Pour ma part, je lis aussi avec plaisir les textes de Paul KLEE et, parmi les contemporains, les textes et propos de Pierre SOULAGES.

J'ai choisi Paul KLEE pour cette première contribution, car il exprime de manière simple et lumineuse sa vision d l'Art Moderne. C'est pourquoi je vais faire de nombreuses citations (en couleur dans le texte). La première partie se réfère à une conférence prononcée à Iéna en 1924.

"Je ne puis me défendre d'une certaine appréhension en prenant la parole devant mes oeuvres, qui devraient en réalité parler seules."

C'est un vieux débat, qui a précédé KLEE, et qui est toujours d'actualité. Il considère que son moyen d'expression est la peinture, et que le commentaire est superflu et risque au contraire d'appauvrir l'oeuvre. En cela il se réfère à la phrase bien connue de Goethe :

"Pour échapper à l'opprobre goethéen du "crée, artiste, et ne parle pas", je souhaiterais personnellement diriger mon attention principale sur les aspects du processus créateur intéressant plutôt le subconscient."

La partie de la conférence dont je voudrais me faire l'écho est la suivante, présentée sous la forme d'une sorte de parabole :

"Permettez-moi d'user d'une parabole, la parabole de l'arbre.

Notre artiste s'est donc trouvé aux prises avec ce monde multiforme et, supposons-le, s'y est à peu près retrouvé.(...) Cette orientation dans les choses de la nature et de la vie, cet ordre avec ses embranchements et ses ramifications, je voudrais les comparer aux racines de l'arbre.

De cette région afflue vers l'artiste la sève qui le pénètre et qui pénètre ses yeux. L'artiste se trouve ainsi dans la situation du tronc.

Sous l'impression de ce courant qui l'assaille, il achemine dans l'oeuvre les données de sa Vision.

Et comme tout le monde peut voir la ramure d'un arbre s'épanouir simultanément dans toute les directions, de même en est-il de l'oeuvre.

Il ne vient à l'idée de personne d'exiger d'un arbre qu'il forme ses branches sur le modèle de ses racines. Chacun convient que le haut ne peut être un simple reflet du bas. Il est évident qu'à des fonctions différentes s'exerçant dans des ordres différents doivent correspondre de sérieuses dissemblances."

Un texte plus ancien de 1912 (approches de l'art moderne) complète à merveille le propos précédent. KLEE explique avec des mots simples ce que représente pour lui l'expressionnisme, le mouvement pictural dont il se réclame :

"Pour parler de l'expressionnisme, il faut d'abord parler de l'impressionnisme. (...) L'un et l'autre invoquent un point décisif de la genèse de l'oeuvre : pour l'impressionnisme, c'est l'instant récepteur de l'impression de nature; pour l'expressionnisme celui, ultérieur, et dont il n'est parfois plus possible de démontrer l'homogénéité terme à terme avec le premier, où l'impression reçue est rendue. Dans l'expressionnisme, il peut s'écouler des années entre réception et restitution productive, des fragments d'impressions diverses peuvent être redonnés dans une combinaison nouvelle, ou bien des impressions anciennes réactivées après des années de latence par des impressions plus récentes."

Un deuxième élément caractérise selon lui l'expressionnisme, c'est l'importance donnée à la construction du tableau, quitte à prendre beaucoup de libertés sur la géométrie des objets ou l'anatomie du corps :

"Une conséquence majeure de l'attitude expressionniste est en effet d'élever la construction au rang d'un moyen d'expression, son insistance opératoire. (...) Pour s'intégrer à une armature plastique intéressante, les maisons se mettent à pencher (car nul ne songe à adopter un principe de construction restreint à des horizontales et à des verticales); violence est faite aux arbres, les humains ne sont plus en état de vivre, l'objet devient méconnaissable".

Je trouve rafraichissant cette manière imagée et simple de parler de l'art et de l'expressionnisme, si éloignée des discours alambiqués et creux tenus par certains dans le domaine de l'art (j'ai quelques exemples croustillants dans ma bibliothèque). Lorsque la pensée est claire, le propos l'est aussi.

Si vous souhaitez aller plus loin que ces courts extraits, ces citations sont extraites du livre :

Paul Klee, théorie de l'art moderne, Denoël, édition et traduction établies par Pierre-Henri Gonthier


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